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mercredi 28 août 2013

En instant... tout peut basculer...



Lundi matin, rendez-vous pour une mammographie de contrôle… Les gestes de la manipulatrice radio sont précis, efficaces, elle est prévenante avec moi, tout se passe avec fluidité, avec le sourire… le tout me faisant oublier pour un instant que je suis là, en train de me faire comprimer les seins pour vérifier que tout va bien… un moment un peu surréaliste, comme à chaque fois que je me retrouve en tant que « patiente » dans un secteur médical…
« Vous allez maintenant passer à côté pour faire une échographie »… toujours avec le sourire, comme si rien ne m’était plus naturel que de me balader les seins à l’air, je me rends dans la pièce d’à côté et m’allonge. La manipulatrice me met avec délicatesse une petite serviette en éponge sur la poitrine : « La doctoresse va arriver »… oui, oui, je vais l’attendre gentiment. Elle sort.

Je suis seule à présent, allongée sur cette table d’examen, contemplant le plafond de cette petite pièce peu éclairée : des souvenirs remontent… 2010, dans le sas, juste avant d’entrer au bloc opératoire… pensées qui me traversent « je ne vais peut-être pas me réveiller », puis ce moment de grâce où je dépose tout mon être dans les bras du plus grand, moment d’unité avant de m’endormir….

La doctoresse arrive, chaleureuse, m’explique comment l’examen va se passer : elle est drôle, me met à l’aise…
L’examen commence, elle ballade sur moi la sonde tandis que nous papotons des bienfaits des soutiens-gorges sans armature, qui ne favorisent pas (contrairement à ceux qui en ont) le développement de fibromes et autres kystes mammaires.
Puis… je sens son geste ralentir, la sonde passer et repasser sur une même zone, je vois son visage se crisper, puis je l’entends dire « ah… je n’aime pas ce que je vois… la forme est irrégulière… écoutez, je préfère en avoir le cœur net : on va faire une biopsie… »
Moment suspendu… J’observe comment, en un instant, le cours d’une vie peut basculer : l’instant d’avant, je suis là, en bonne santé, insouciante, plaisantant, l’instant d’après, mille pensées me traversent « et si c’est cancéreux ? » « et s’il faut enlever le sein ? » « et si j’en mourais ? »…
J’observe les multiples aspects de mon Enfant-Moi qui s’agitent en tous sens : celui qui veut m’offrir son soutien et lance des « ça va aller, quoiqu’il arrive, on a la force nécessaire pour gérer ça », celui qui ne veut pas paniquer « ce n’est rien, ce n’est rien, ce n’est rien, tout va bien ! », celui qui panique quand même « oh mon Dieu, non pitié, pas ça ! », celui qui se moque de celui qui panique « tu n’es qu’une chochotte, arrête ça tout de suite ! », celui qui aspire à plus d’élévation spirituelle « et bien… ce n’est pas la peine d’avoir la conscience que tu as, de goûter ta nature véritable pour t’affoler ensuite de la sorte… cela est… voilà tout ! », etc.
Du silence qui perçoit toutes ces voix, un lent mouvement se déploie en moi, tel des bras aimants qui accueillent l’agitation qui me traverse… les multiples aspects de mon Enfant-Moi peuvent se déposer dans cette douceur, y respirer l’espace qui leur est offert, goûter de pouvoir être là, tels qu’ils sont, chacun, sans avoir à « positiver » ou changer quoi que ce soit de ce qu’ils véhiculent avec innocence, du cœur de leur ignorance…
Le calme envahit tout mon être, tandis que la doctoresse commence à faire les trois ponctions qu’elle m’a annoncées… rien d’idyllique dans ce moment, mais l’expérience intégrale, absolue, de notre double nature, humaine et divine… l’inquiétude est là, en même temps que la paix qui l’accueille… l’agitation est là, en même temps que la tranquillité absolue qui la perçoit… la peur est là, en même temps que la compassion qui la reçoit avec tendresse… l’Enfant-Moi et le Père sont là, simultanément… comme le disait Jésus : « le Père et moi ne faisons qu’Un »… Je sens tout mon corps se détendre au cœur de cette unité : rien à changer… tout ce qui est, est…
Un élan d’amour me traverse, en pensant à toutes ces femmes qui, en un instant, voient leur vie basculer ainsi, sans avoir peut-être les moyens que la Vie m’offre pour accueillir tout ce que cette expérience me fait ressentir. Envie de leur dire : je vous aime, vous, chacune, dans votre fragilité, dans votre vulnérabilité, dans ce moment où tout en vous crie « non, pas ça ! »… avec vous je suis, de tout cœur…
La biopsie s’achève : la doctoresse me dit que j’ai été très « sage »… douceur diffuse d’une mémoire enfantine lorsqu’on me disait cela (ce qui était rare)… j’ai droit à un joli pansement, tout beau, tout blanc…
« Votre gynécologue vous appellera dès qu’elle aura les résultats, dans trois, quatre jours maximum »
Un aspect de l’Enfant-Moi commente, exaspéré : « ouais, trois, quatre jours maximum… tu veux dire une éternité ! Tu te rends compte ce que ça fait comme heures, comme minutes, trois, quatre jours, lorsque tu attends ce genre de résultats ???! »
Cet aspect est accueilli à son tour par la douceur environnante qui emplit mon être en cet instant.
Je me rhabille, dit « merci » chaleureusement à la doctoresse et à son assistante, rejoint ma compagne qui m’attend dans le couloir, comprend, à la seconde où je vois son expression, qu’elle sait ce qu’on vient de me faire, perçoit son inquiétude… je l’accueille… un peu ahurie, je goûte, comme pour la première fois, cette coexistence manifeste, cette croisée des mondes qui se vit en moi : miracle de notre incarnation en laquelle l’absolu et le relatif dansent main dans la main à chaque instant.
Mardi soir, 18h , le téléphone sonne : c’est la secrétaire de ma gynécologue, qui m’appelle pour me dire que tout va bien… Instant de célébration : merci ! Merci que ce qui est, juste là, soit que je suis en bonne santé… mes pensées se tournent aussitôt vers toutes ces femmes qui reçoivent un autre type d’appel, les plongeant dans le désarroi… je sens mon cœur s’ouvrir, s’ouvrir encore, de compassion, pour tous ces êtres…

En un instant, tout peut basculer… et en un instant, tout peut être accueilli…
Je suis heureuse de pouvoir contribuer, à ma façon, chaque jour, à partager les moyens qui peuvent permettre à chacune (et chacun) de pouvoir s’accueillir davantage, car si nous n’avons aucun pouvoir sur ce qui advient, sur ce qui peut faire basculer nos vies, nous avons celui de pouvoir changer notre façon d’accueillir ce que cela nous fait vivre…
Je suis heureuse de pouvoir partager tout cela avec vous, en ce jour…
Je vous aime…