Retrouvez des textes et des vidéos inédites quotidiennement sur ma page Facebook
et toutes mes vidéos sur ma chaîne YouTube
Découvrez le programme de mes activités sur mon site portail !

jeudi 31 mars 2011

Le plein s'adressant au plein

Extrait de « L'obligation de conscience»
de Yvan Amar


La liberté au cœur de la relation enseignant-enseigné

II est évident que la nature de cet enseignement se doit d'être, avant tout, fondée sur la liberté. Cela n'est possible que parce que l'instructeur ne témoigne pas à partir de la compensation d'un manque en lui. Nous connaissons tous l'expérience du manque et la peur qui en découle.
Toute souffrance liée à cette peur et à ce manque nous met d'emblée dans une situation de grande vulnérabilité, de potentielle dépendance. Le moteur de nos comportements étant lié à ces manques, à ces peurs, nous allons essayer, dans un premier temps, de ne plus souffrir, de ne plus éprouver la peur ni le manque. Par là même, nous nous mettons en situation de manipulé potentiel. Il suffit que dans le paysage apparaisse quelqu'un qui a remplacé en lui le manque par un sentiment de conviction, de certitude, comblant provisoirement son manque sur le plan mental, affectif ou physique, pour que cette personne puisse nouer avec vous une relation de pouvoir, en vous disant : « Je détiens ce qui peut apaiser votre souffrance, votre inquiétude et combler votre manque. » Cet être, parce qu'il vit lui-même à partir d'un manque comblé, va s'adresser à votre souffrance, à votre manque et, de cette façon, il vous tient. Une relation de pouvoir s'installe alors, une relation de dominant à dominé, parce que lui semble posséder quelque chose que vous ne possédez pas, et vous croyez que le posséder aussi serait la solution qui vous soulagerait de la souffrance découlant de l'expérience du manque en vous, Ce mécanisme est important.
Toutes les relations humaines de manque comblé à manque en attente sont des relations de pouvoir, de domination et d'aliénation.

Un véritable instructeur n'est jamais dans le cadre d'une telle relation.
Parce qu'un instructeur, un éveillé, ne fonctionne pas dans une relation sur la base d'un manque comblé ; il fonctionne à partir de la reconnaissance intuitive du plein, reconnaissance qui ne souffre pas la séparation. Lorsqu'il s'adresse à vous, bien qu'il soit conscient du manque à partir duquel vous vous exprimez, il s'adresse en priorité à ce plein dont il se sait non séparé. C'est la garantie de liberté d'une telle relation. L'instructeur ne possède pas quelque chose qui vous manque, il vous rappelle à ce que vous êtes, qui n'est pas différent de ce qu'il est.
Où pourrait-il y avoir là la source d'une aliénation ? Vous êtes confirmés dans la même réalité. D'emblée, vous êtes libres de lui, parce que vous êtes ce dont il témoigne. Cela est le seul fondement qui authentifie la relation enseignant-enseigné. C'est le plein qui s'adresse au plein.

Une relation particulière au temps

Cela s'accompagne immanquablement d'une qualité toute particulière, un sens particulier du temps. Lorsque l'on s'adresse à votre manque dans une relation de domination, on exerce toujours à votre encontre un chantage subtil en se servant du prétexte du temps : « Pressez-vous, vous devez y arriver vite, vous avez peu de temps ! » Quand on ne vous met pas face à la menace de l'apocalypse imminente : « Tout va péter, tout va sauter ! », menace qui participe inconsciemment à cette panique. Un être qui s'adresse à partir du plein à votre plein, celui-là est le temps et dispose donc de l'éternité. Il vous offre cette éternité pour qu'elle se reconnaisse. Il n'y a donc jamais de pression. C'est là que vous ressentez cette qualité toute particulière de compassion infinie : personne n'est là pour vous presser, c'est constamment le même témoignage, la même patience, la capacité de répéter mille et mille fois la même chose, avec autant de tendresse, d'attention, avec le même souci, le même respect.
Lorsque vous êtes dans un environnement d'une telle qualité, quelque chose s'apaise naturellement en vous : la pression et le stress qui accompagnent habituellement le vécu difficile du manque sont immanquablement touchés par une telle qualité, par une telle présence en relation avec vous. Quelque chose de l'ordre du pressentiment de la paix apparaît en vous. Dans l'enseignement, vous avez le temps, parce que vous aurez jusqu'au bout de votre existence l'occasion de le reconnaître, de le faire grandir, de le vivre. Ce n'est pas pour quelque temps, histoire de combler un manque, c'est pour la vie, histoire de témoigner du plein.

L'implacabilité du témoignage

Après la liberté et le temps vient un troisième élément, peut-être moins confortable : l’implacabilité absolue de ce témoignage. La compassion d'un tel témoignage est impitoyable. Il n'y a pas de compromis ni de concession possibles. La nature incorruptible de ce témoignage vous oblige.
On ne peut pas négocier Dieu, on ne peut pas négocier le réel ; c'est le prix fort, sachez-le d'emblée. Le réel, c'est la totalité du prix, ce qui veut dire aussi la totalité de vous qui est demandée. Non pas dix, vingt, trente, quatre-vingt-dix ou quatre-vingt-dix-neuf, mais cent pour cent de vous ! Comprenez bien qu'il n'est pas question d'une pression, mais d'une exigence absolue pouvant être au départ confondue avec l'urgence mais qui n'a rien à voir avec le chantage de l'urgence : c'est la priorité.
Qu'est-ce qui fait priorité dans votre vie ?
Avez-vous reconnu cette valeur prioritaire autour de laquelle vous pouvez articuler, organiser votre vie, lui donner un sens ?
Celui qui porte le témoignage du sens de la vie, apporte avec lui le goût de la liberté, l'espace d'un temps infini, mais aussi l'exigence d'une priorité absolue dans votre vie.

mercredi 30 mars 2011

L'effort joyeux

Article de Francis Lucille
publié dans le n° 74 de la revue 3eme Millénaire


L'expression « travail sur soi », est devenue la formule consacrée de beaucoup de chercheurs, de psychologues, de psychothérapeutes ou de maîtres spirituels, même si le fond du "travail" reste souvent indécis entre les notions d'"effort" et de "lâcher-prise" ?

Je n'aime pas ce terme de « travail », mais je préfère celui d'« effort ».
Pour moi le mot « travail » évoque une forme de souffrance, alors que celui d'« effort » est plus neutre... je parlerai alors d'« effort joyeux ». Celui qui, par exemple, aime jouer au tennis fournit un grand effort pour le corps mais comme il aime le tennis, son effort est joyeux...

Je n'envisage le chemin qui mène à la joie que sous la forme d’efforts joyeux.
Comment la misère pourrait-elle conduire à la joie ?
Le cheminement est différent selon que l'on croit encore être une entité séparée ou non.
Tant que l'on croit être une entité séparée, il y a un but et il y a un chemin qui mène à ce but : il y a donc effort. Que cet effort soit joyeux !... et il le sera, car, au fond, ce qui nous guide dans le chemin c'est une forme de perception voilée de la vérité. La vérité n'est pas à la fin du chemin, elle est déjà au cours du chemin.

Une personne qui pense travailler sur elle-même, en se disant : « c'est très dur, j'ai du mal à en sortir... », n'a, en fin de compte, malheureusement pas découvert le moyen de ce réel effort joyeux,

A moins qu'elle ne soit déjà dans l'effort joyeux sans le savoir, sans l'avoir déjà réalisé.
Si ce chercheur est sincère, authentique, il ne peut être que dans l'effort joyeux, et s'il fait le choix de méditer, de lire, ou de réfléchir sur la vérité, ce choix vient de la joie même.
Il y trouve déjà son compte, sans qu'il le sache au niveau du mental ou de la pensée ; plus tard, il découvrira que tout le cheminement n'était que joie.

Mais par quel effort joyeux le chercheur peut-il commencer sa quête ?

Il faut qu'il suive sa joie ; il ne faut pas qu'il agisse par devoir mais plutôt par plaisir.
Quand je me penche sur mon histoire passée de chercheur spirituel, je me rends compte que n'ont été efficaces que mes lectures ou mes rencontres, ou mes méditations, qui allaient dans le sens de cette joie. Si j'ouvrais un livre de spiritualité, il fallait, avant de l'ouvrir, que s'éveille le désir de sentir le fait d'avoir du bon temps, de préférer lire plutôt que de regarder la télé ou de jouer au tennis...
A d'autres moments, il valait mieux regarder la télé ou jouer au tennis, en attendant que l'inspiration me vienne d'ouvrir un livre.
Les deux éléments les plus spirituels sont le bonheur et la liberté, il faut se l'accorder à nous-mêmes, déjà dans notre recherche.

Dans le cas du chercheur qui cherche sans cette joie, mais dans la souffrance, quelle issue a-t-il ?

Celui dont la recherche ne vient pas de la joie, n'est pas encore un vrai chercheur.
L'initiation du chercheur de vérité a été, par définition, un éclair de joie sans objet, et c'est cet éclair qui le porte dans sa recherche, jusqu'à ce qu'il soit établi dans cette joie sans objet.
Et pour lui il est important de se débarrasser de l'effort répétitif afin de ne garder que l'effort joyeux et créatif. Mais l'effort inspiré n'est pas un effort !

C'est l'effort de notre totalité.

mardi 29 mars 2011

L'histoire "moi"

Extrait du livre « Freedom and resolve »
de Gangaji
Traduction : Isabelle Padovani


Qu’est-ce qui perpétue l’histoire de « moi » ?

Le désir alimente l’histoire.
Même lorsqu’il peut y avoir un désir de laisser partir l’histoire, un désir de voir ce qui est vrai, il y a aussi un désir de continuer à fabriquer l’histoire. Ceci doit être reconnu.
Le désir de continuer l’histoire, que ce désir soit vu ou non, est enraciné dans la peur de n’être rien. Cette peur est nourrie par la croyance que si vous laissez tomber cette histoire qui a été racontée avec tant de persévérance durant cette vie, vous ne serez plus rien, vous mourrez.
Ce sera la fin de « vous ».

Si vous regardez attentivement, vous verrez l’effort conscient subtil mais puissant de garder en place la « moi-itude ». Peut-être est-ce à présent un « moi » illuminé, mais c’est toujours « moi ». La peur est que sans un effort conscient, le corps pourrait peut-être juste se désintégrer immédiatement. La peur est que si le corps disparaît, qui vous êtes disparaitrait aussi.

Quel que soit le degré où se trouve la peur, c’est le degré auquel il y a identification erronée de l’histoire de « vous » en tant que vérité de « vous ». Au degré auquel il y a identification avec l’histoire de vous en tant que vérité de vous, il y a souffrance, car vous n’êtes pas une histoire.
L’histoire est un mensonge, et un mensonge est un fardeau.
C’est un fardeau qui est maintenu chaque matin, chaque journée et chaque nuit.
Peut-être que la nuit le fardeau est mis de côté pour un moment afin qu’il puisse y avoir un profond repos, mais il est récupéré à nouveau dès que le corps quitte l’état de sommeil. Il est augmenté, décoré, réarrangé, réparé, équilibré et rendu meilleur – en un meilleur fardeau. Il n’y a pas de mal à ça. Si vous voulez être diverti par une histoire, alors oui, équilibrez-là, rendez-là bonne, décorez-là.
Mais habituellement, ce qui arrive est que l’histoire devient un objet de culte au nom soit de la haine envers soi-même, soit du narcissisme. Alors cette histoire de « moi » est le fardeau de la souffrance.

Le premier défi est de reconnaître que vous racontez une histoire.
Puis le défi est d’avoir la volonté d’arrêter de raconter l’histoire, la volonté de mourir, et en ce sens, la volonté de n’être rien du tout (note de la traduction : pour rappel, en anglais, rien se dit « nothing » : Gangagi l’écrit no-thing pour accentuer le sens littéral de « pas de chose » ou « aucune chose », permettant de réaliser que ce que nous sommes n’est aucune chose/objet que nous percevons, incluant les objets sensoriels, perceptifs et mentaux).
Alors, ce que nous avons appelé Soi ou Vérité ou Dieu s’avère être ce même « rien du tout ».
Vous vous reconnaissez vous-même en tant que ce rien.

Je ne parle pas de rien tel que le mental entend rien, comme une sorte de néant nihiliste, plat, mort.
La pure rien-ité (no-thing-ness) est intelligence consciente.
Le nourrisson ne sait pas son nom, et pourtant, ne se relie pas à lui-même en tant que nom. I
l se relie à lui-même en tant qu’intelligence consciente.
L’histoire du nourrisson, de l’adolescent, et de l’humain adulte est l’histoire de l’émergence de « moi », le culte de « moi », le fardeau de « moi » et la libération de « moi » - fin de l’histoire - retournant à l’intelligence consciente.
Se connaître consciemment soi-même comme étant l’intelligence consciente en laquelle tous les « moi » font leur apparition et leur disparition.

Beaucoup d’individus se sont éveillés à la vérité que la conscience individuelle est inséparable de la conscience universelle. Alors, ce qui reste du mouvement de l’apparente conscience individuelle se réfugie souvent dans un ermitage ou un isolement de la société.
Durant le temps de l’absorption de l’apparente conscience individuelle dans la pure conscience de l’être universel, Ramana Maharshi devait être nourri. Il n’y avait aucun intérêt de sa part à garder son corps en vie.
Mon enseignant, Sri H.W.L. Poonjaji (Papaji) a fait un pont entre la vie de sadhu – une vie retirée des interactions avec la société - et la vie active. Papaji vivait à l’extérieur de l’enceinte de l’ashram. Il avait une famille, un travail, des interactions quotidiennes avec d’autres personnes qui n’avaient aucun soupçon du moi en tant que conscience, tout en se connaissant lui-même pour être la totalité de tout ce qui est.

Je ne sais pas quelle est la destinée de votre vie.
Que vous viviez votre vie comme un ermite ou au beau milieu de la place du marché, vous avez le plein potentiel de reconnaître la vérité de votre inhérente rien-ité.

lundi 28 mars 2011

Le mental est un objet, pas le sujet

Extraits de « La Voie directe : s'identifier à la conscience pure»
de Greg Goode


Pages 23 - 24

Jusqu'ici notre étude a révélé que le monde physique et le corps sont en fait conscience pure, même si à l'origine ils semblaient être tout à fait différents de la conscience pure.
Poursuivant notre recherche, nous allons essayer de voir si le mental est quelque chose de différent de la conscience pure.
Il semble être différent de la conscience pure de plusieurs manières.
Par exemple, il peut sembler être l'endroit où la conscience pure se produit.
Ou bien, il pourrait sembler que :
- Le mental contient la conscience pure de la même façon qu'un feu follet contient la lumière d'une bougie.
- Le mental est l'endroit où se trouve la conscience pure.
- Le mental peut percevoir la conscience pure.
- Le mental peut diriger ou contrôler la conscience pure.
- La conscience pure circule dans le mental comme le courant électrique circule dans les câbles.
- - La conscience pure est inscrite dans le mental comme un logiciel est installé sur un disque dur.

Telles sont les diverses manières de considérer la conscience pure et le mental.
On donne certaines de ces analogies dans les enseignements spirituels.
Notez qu'elles reposent toutes sur des images physiques qui conditionnent votre façon de penser selon intérieur/extérieur. Nous avons déjà vu que le physique ne peut pas être séparé de la conscience pure. Il en va de même pour le mental.

Nous le voyons parce que notre expérience directe est tout à l'opposé de ce que ces analogies et ces images suggèrent. Dans l'expérience directe la conscience pure n'est pas située dans le mental ; le mental apparaît en tant qu'objet dans la conscience pure.
Même dans l'expérience quotidienne, vous avez noté que le mental pouvait être calme et paisible, ou bien agité et nerveux.
Mais vous n'avez jamais remarqué que le mental se faisait l'hôte de la conscience pure, clôturait la conscience pure ou la contrôlait comme le canal de Panama contrôle le courant. Si vous allez plus loin dans cette recherche et examinez le mental encore d'un peu plus près, vous ne trouverez aucun conteneur mais simplement un flux de pensées. Vous trouvez des pensées mais jamais un conteneur de pensées.

Puisque les pensées ne peuvent absolument pas exister en dehors de la conscience pure, celle-ci est la seule chose dont ces pensées peuvent être faites. Cette dernière affirmation est un peu indirecte, mais elle deviendra parfaitement claire par la suite, quand on percevra directement la dissolution de tous les objets dans la conscience pure.

dimanche 27 mars 2011

La félicité éternelle

Article de Douglas Harding
publié dans le n° 79 de la revue 3eme Millénaire 


Toutes les choses dans le monde additionnées les unes aux autres
ne sont rien en comparaison de ce rien ici, conscient de lui-même en tant que rien. Comprenez-vous cela ?
C’est la liberté. C’est la vérité. C’est la joie rayonnante.


Quel est l'essentiel pour vous, aujourd'hui ? Que vous paraît-il le plus important de partager ?

Il y a deux choses que je souhaiterais intensément partager.

La première est l'émerveillement, l'étonnement qu'il y ait quelque chose.
A strictement parler, il ne devrait rien y avoir du tout... car enfin il est très étrange, voire anormal que les choses existent. Comment peut-il y avoir quoi que ce soit ?
Que même un électron puisse apparaître sur la scène sans aucune aide, ni raison, c'est inexplicable.
Et songez à ce qui est apparu. Songez au monde, des galaxies, aux étoiles et aux planètes, les animaux, les hommes, les femmes, les enfants, les cellules, les molécules, les atomes, les particules...
Je suis éberlué, bouleversé, ahuri, qu'il y ait quoi que ce soit. 
Et cet étonnement est joie. Pour moi, c'est de la joie.
Cela me fait poser sans cesse la question pourquoi...
Pourquoi y a-t-il quelque chose ?
Mais il ne s'agit pas d'une question à laquelle on puisse répondre.
C'est une question à poser sans réponse. 
Trouver la réponse à cette question serait une tragédie, un désastre pour toujours, l'enfer de l'ennui éternel, une éternité d'ennui. Dieu merci, on ne peut trouver de réponse à cette question mais elle doit être posée. Pour moi et mes amis qui partagent cet émerveillement, poser cette question est un délice et une joie. C'est donc ce sublime émerveillement que je souhaite d'abord partager.

La deuxième chose que je souhaite partager avec tous est très différente : c'est découvrir le prix à payer pour avoir un visage, mais aussi la façon d'éviter l'obligation de payer ce prix.
Bien sûr, j'ai un visage humain.
C'est un visage unique, qui ne ressemble à celui de personne d'autre.
Quand les gens voient ce visage, il me saluent, ils me reconnaissent.
Mes yeux, mon nez, ma barbe, tout ceci forme un tout unique. Et j'ai besoin de cela. Bien sûr que j'ai tous ces traits : deux yeux, un nez, deux oreilles, un menton, tout ceci est « Douglassien ».
Mais il y a un prix à payer pour avoir ce visage « Douglassien », un prix très élevé.
Le vieillissement est une moitié du prix à payer. Je ne le recommande pas, vraiment pas. Mais ce prix doit être payé. En tout cas, moi je le dois, mais peut-être vous, n'aurez-vous pas à payer ce prix ? Peut-être n'aurez-vous pas à devenir vieux ?
La deuxième moitié du prix à payer pour avoir un visage est encore plus élevée : c'est la mort.
La décapitation : on devient une victime de la guillotine. C'est un prix très dur.
Je suis né en tant que Douglas, et Douglas meurt.
Ce qui naît, meurt.
Je ne dis pas que l'on devrait, ou que l'on pourrait éviter cela.
Ce que je dis est que nous avons à reconnaître la dette à payer, et accepter cette redevance qu'est la mort.
Ce qui naît, meurt. Oui... mais un remède existe, me réponse, une façon de régler cette dette, d'éviter l'exécution : c’est de n'être pas né. Etre non-né.
Il y a une chose qui ne peut mourir, un corps si vous voulez, qui ne peut mourir parce qu'il n'est jamais né. .Le non-né, celui qui n'a pas été généré, ne peut pas mourir.
Celui qui est né, meurt. Le non-né ne peut pas mourir.
 Celui qui ne peut pas être né ne peut pas être exécuté.

Alors je regarde ce à partir de quoi je regarde, au lieu de regarder ce qui est là dehors.
Et ce à partir de quoi je regarde n'existe pas, c'est vide, une vacuité.
Il n'y a rien ici, au centre de moi-même. Et donc cela ne peut pas mourir.
Toutes ces choses là dehors meurent.
Douglas meurt, Dieu merci.
Mais ceci, ici, au centre de moi-même, ne peut pas mourir parce que ce n'est jamais né.
Ainsi le remède pour la mort est de voir où la mort se situe.
Je maintiens la mort là dehors. C'est la mort de ce qui est né, celle de Douglas.
Et ici, au centre, je conserve l'absence, une vacuité vivement éveillée, consciente d'elle-même en tant que non-existence. C'est ici, au centre, que je trouve et garde ma félicité éternelle.
Une vacuité absolue, intensément consciente d'elle-même, en tant que rien.

Toutes les choses dans le monde additionnées les unes aux autres ne sont rien en comparaison de ce rien ici, conscient de lui-même en tant que rien.
Comprenez-vous cela ?
C'est la liberté. 
C'est la vérité. 
C'est la joie rayonnante.

Cette expérience est la deuxième chose que je souhaite partager autant que possible.
Le sublime émerveillement qu'il y ait quelque chose, et la vacuité rayonnante au centre de nous-même... nous devrions danser de joie en prenant conscience de notre divine ignorance.

samedi 26 mars 2011

Vous savez que vous êtes

Entretien du 21 juin 1981
avec Nisargadatta Maharaj


Question : Comment me stabiliser dans ma prise de conscience ?

Vous savez que vous êtes.
Ceci est en soi la prise de conscience.
Si vous pensez que vous devez être conscient, vous entrez dans l'état d'expérience.
Vous voulez faire l'expérience de quelque chose.
Ne considérez pas votre corps-esprit comme étant vous.
L'identification au corps-esprit, ça va pour la vie de tous les jours, mais quand vous devez vous comprendre, il ne faut pas comprendre qu'on est le corps-esprit.
Vous avez la connaissance du "Je suis". Cela en soi signifie que vous êtes.

La prise de conscience, c'est cet état où la conscience s'enfonce en elle-même.
Ce corps est l'expression du produit de la nourriture consommée. La matière est consommée sous forme de nourriture, et voilà le résultat. S'il y a de moins en moins de nourriture, le corps s'amai­grit, s'étiole. Vous n'êtes pas ça, votre image est autre. [Montrant le corps] ce n'est qu'une boîte à mangeaille. Pourquoi cette figure mai­gre ? Parce que l'apport de nourriture est réduit. Le corps-nourriture, vous n'êtes pas ça. L'état d'éveil, vous n'êtes pas ça. L'état de som­meil profond, vous n'êtes pas ça. Vous connaissez l'état d'éveil. Puis­que que vous connaissez l'état d'éveil, vous n'êtes pas l'état d'éveil. Vous connaissez l'état de sommeil profond ; vous n'êtes donc pas l'état de sommeil profond.

Je n y comprends rien, je suis perdu.

Ce "vous" Ultime ne peut jamais être perdu. 
Tout ce que vous avez perdu, ce ne sont que des mots.
Qui vous a dit que vous étiez perdu ? Vous savez que vous êtes, "Je suis".

Dès que le sentiment "Je suis" apparaît, le monde aussi apparaît.
"Vous êtes" n'est pas seul, dans l'isolement.
Vous êtes une part intégrale de la connaissance dans le monde.

Dans la hiérarchie de la conscience il y a trois étapes :

1. Jivatman, c'est celui qui s'identifie au corps-esprit. Celui qui pense je suis un corps, une personne, un individu différent du monde. Il s'exclut et s'isole du monde comme personne séparée, à cause de l'identification au corps et à l'esprit.

2. Vient ensuite l'être, ou la conscience, qui est le monde. "Je suis" signifie mon monde entier. Juste l'être et le monde. En même temps que l'être le monde est ressenti — c'est Atman.

3. Le Principe Ultime, qui sait que l'être ne peut avoir de nom. Aucun mot ne peut l'approcher ou le déterminer. C'est l'état Ultime.

J'explique cette hiérarchie avec des mots de tous les jours, par exemple : j'ai un petit fils (ça c'est Jivatman). J'ai un fils (Atman), et je suis le grand-père. Le fils et le petit fils sont issus du grand-père.

Ces trois étapes, on ne peut pas les appeler de la connaissance.
Le terme connaissance s'applique au niveau de l'être.
Je vous ai transmis l'essence de mes enseignements.

À quoi êtes-vous identifié maintenant ? 
Vous êtes venu au monde avec quelle identité ?
Vous voudriez quitter ce monde avec quelle identité ?
Normalement les gens s'accrochent à l'identité corporelle, mais je l'ai jetée par-dessus bord —vous n'êtes pas le corps. Je vous demande : "Vous êtes quoi ? Quelle peut être votre identité, maintenant que vous n'êtes pas le corps ?". Vous pouvez répondre ce que vous voulez, les mots seront toujours incorrects, ils seront faux.

Vous vous accrochez avec l'énergie du désespoir au corps-esprit, comme étant vous.
Vous devez avoir la conviction inébranlable que vous n'êtes pas le corps-esprit, que vous n'êtes même pas la conscience dans l'être.

Faites une expérience sur vous.
Vous observez un bâton ; est-ce que vous dites au bâton : "Je suis en train de t'observer"?

Quand on est tout seul avec soi-même, rien n'est utile, aucun entretien n'est utile.
Quand on se fond dans son identité véritable rien n'a plus d'importance, parce que rien n'est.
Quand le "Je" s'affaisse, il ne reste plus que la prise de conscience directe.

vendredi 25 mars 2011

Différent ou transparent ?

Article de David Ciussi
paru dans le n°183 du magazine "Soleil Levant"

Êtes-vous transparent pour vous-même ou craignez-vous votre différence ?

Essayons de nous connaître avec bienveillance et lucidité de façon à fluidifier notre corps, à ouvrir infiniment notre cœur et enlever toute impression de fardeau à notre âme. Cette connaissance sincère prévient somatisations, souffrances, donne un sommeil paisible et libère la créativité dans l'action. C'est vivre l'instant présent.

Transparent signifie nous connaître dans toutes nos différentes facettes comportementales sans rien dissimuler ou occulter, sans indifférence passive ou active.
Transparent, c'est faire la distinction entre nos peurs réelles qui sont pédagogiques et les peurs imaginaires qui alimentent la peur de soi.
Transparent, c'est aussi connaître notre soif de vérité, de courage, de modestie, de loyauté et d'intelligence émotionnelle, c'est reconnaître combien nous avons besoin des autres pour nous unifier aux beautés de l'expérience miraculeuse d'exister comme humain.
Elle se construit par une reconnaissance réciproque avec les autres sans distinction de culture et d'apparence extérieure. Elle donne naturellement l'affection, la bonté, la générosité, la tolérance, le respect.

Connaissons nous nos contradictions, nos différentes postures intérieures et extérieures ?
Explorons quelques pistes pour une plus simple connaissance de soi visant l'accès à la liberté et à la joie illimitée qui est donnée comme potentiel à chaque vie humaine...

- Avez-vous l'impression d'un manque de liberté ou un besoin de plus de reconnaissance ?
- Avez-vous besoin d'être encouragé ou avez-vous besoin d'être stimulé ?
- Vous sentez vous dirigé, contrôlé, menacé, puni... ou blindé, désabusé, fatigué, soumis ?
- Avez-vous l'impression que l'on ne respecte pas vos choix ou préférez-vous donner des ordres ?
- Réagissez-vous à la moindre contrariété face à un « autre » ou faites-vous un « câlin-parole » ou un signe affectueux avant toute discussion ?
- Êtes-vous généreux de vos « paroles-sourires » ou parlez-vous pour vous défendre ?
- Avez-vous remarqué qu'il est bon de rendre service (à sa mesure) ou préférez-vous garder ou espérer que l'on vous donne ?
- Avez-vous une bonne relation avec votre corps ou le critiquez-vous ?
- Êtes-vous curieux ou blasé, émotionnel ou explicatif, sérieux ou comique, pédagogique ou réactif, spectateur de votre vie ou acteur identifié à son rôle ?

En nous interrogeant avec humour et sincérité, nous prenons la chance de ne plus être mécaniques mais présents, conscients de nos fonctionnements de surface pour ne pas nous réchauffer entre victimes plaintives ou réactives...
La reconnaissance réciproque demande une intention du cœur, des mots choisis, la patience pédagogique d'apprendre des autres...

La richesse de la différence est à l'origine de la variété des espèces,
Avez-vous remarqué les différents chants et plumages colorés des oiseaux ?
Avez-vous observé comme la robe des animaux de la jungle se fond dans leur environnement en imitant la savane ?
Avez-vous plongé dans les coraux les yeux admiratifs devant le défilé de couleurs et de formes les plus extra¬ordinaires les unes des autres ?

Si vous êtes curieux, amusé d'être différent, c'est que l'étonnement et le plaisir de découvrir les autres est bien vivant en vous...
Cette différence deviendra une valeur unificatrice avec ce qu'il y a de vrai en vous et les autres : la capacité d'englober la ressemblance dans une fraternité spirituelle qui est une soif intense et sincère de vivre ensemble et surtout d'aimer vivre la vérité.

jeudi 24 mars 2011

Moi ou mon véhicule ?

Extrait de « Le parfum du silence »
de Francis Lucille


Pourquoi certaines expériences, telles les sensations corporelles, sont-elles conceptualisées en tant que « moi » et d’autres, telle la perception du monde, en tant que « non moi » ? 

Simplement, parce que nous choisissons de nommer certaines expériences « moi » et d’autres « non moi ». Nous faisons une distinction artificielle, en raison d’une habitude apprise. Si nous étions né sdans une civilisation dans laquelle on appelle le soleil levant « mon soleil », nous le considérerions comme « notre » soleil. Les deux perceptions, celle du soleil levant et celle que nous dénommons « mon corps », apparaissent au sein de nous-même. Aucune ne peut être considérée comme plus « nous » ou moins « nous » que l’autre.

La relation que j’entretiens avec mon corps est différente de celle que j’entretiens avec les autres corps. C’est pourquoi je ressens que ce corps est moi-même alors que le corps des autres ne l’est pas. Par exemple, je ne peux pas ressentir les sensations corporelles de quelqu’un d’autre !

Je ne suis pas en train de nier qu’une relation spécifique semble nous lier à notre corps.
Faisons une comparaison avec notre voiture. Quand nous conduisons, nous percevons notre voiture de l’intérieur, alors que nous voyons tous les autres véhicules de l’extérieur. Bien qu’une relation spécifique semble nous relier avec celle-ci, cela n’implique pas que nous sommes notre voiture. C’est la même chose avec notre corps.

Nous sommes la conscience dans laquelle notre propre corps-esprit et tous les autres corps-esprits apparaissent. Cela n’implique cependant pas qu’en tant que conscience, nous soyons ce simple organisme corps-esprit ou un sous-produit de celui-ci.
La croyance selon laquelle nous sommes dans notre corps n’est qu’une interprétation de notre expérience véritable. C’est également une interprétation de penser que nous entretenons une relation plus intime avec certaines sensations qu’avec d’autres, ou de penser que certaines sensations se situent à l’intérieur et d’autres à l’extérieur. Il est simplement nécessaire que nous voyons cela pour ce que c’est : une interprétation.
Une telle interprétation peut s’avérer appropriée dans certaines situations. Si c’est le cas, nous l’adoptons. Cependant, soyons vigilant à ne pas nous attacher à cette interprétation, à ne pas nous laisser hypnotiser par elle au point de penser que c’est une représentation de la façon dont les choses se passent réellement.
Lorsque c’est nécessaire, j’utilise comme vous un système d’interprétation. Mais pourquoi ne pas utiliser également l’absence d’interprétation quand celles-ci ne sont pas exigées par les circonstances.

Dans le doute, n’interprétez pas.
Ce qu’une chose paraît être n’est pas nécessairement ce qu’elle est.
Ce que nous dénommons « mon corps » est une interprétation.
Quand nous nous identifions à cette interprétation, nous nous ressentons séparé.
En l’absence de toute interprétation, nous découvrons que notre corps est conscience.
Notre corps réel contient l’esprit et l’univers entier.
C’est le corps que nous avons toujours eu, et celui dans lequel tous les corps, grossiers et subtils, viennent à exister. Nous ne nous intéressons pas ici à la façon dont les choses semblent être, mais à ce qu’elles sont réellement. Il est important d’être attentif à distinguer les faits de leur interprétation.
Ne confondez jamais une interprétation avec un fait.

En réalité, nous n’expérimentons jamais le corps de la façon dont nous le concevons.
Nous faisons l’expérience de sensations, et c’est une interprétation consécutive qui nous fait dire :
« cette sensation est apparue dans mes pieds ».
Au moment de la sensation, nos pieds de sont pas présents, notre corps n’est pas présent.
Seule la sensation est présente.

Il est dangereux d’utiliser un système de pensée comme un outil pour appréhender un domaine dans lequel il n’est pas approprié. Par exemple, l’interprétation matérialiste de notre expérience s’avère indiquée dans notre relation au monde physique. Mais elle n’est pas efficace pour saisir notre relation à la joie, à l’amour ou à la beauté car elle n’est pas l’outil approprié...

mercredi 23 mars 2011

L'esprit d'abandon

Extrait de « Vivre sans tête »
de Douglas Harding


L'esprit d'abandon ne peut être permanent pour être lui-même...
il doit alterner avec son contraire, l'esprit de résistance.
Par nature, il n'est pas continu.
L'expérience est commune : nous nous obstinons à lutter contre la volonté divine, telle qu'elle se matérialise dans les circonstances de notre vie, puis nous trouvons d'une manière ou d'une autre la grâce de nous y soumettre - pour un temps et ensuite le processus pitoyable s'enclenche à nouveau !

L'abandon arrive. Mais hélas, comme Ramana Maharshi le dit bien, ce qui vient s'en va. Comme les pensées et les sentiments (fussent-ils profonds, illuminés ou même divins), il est impermanent. Puisqu'il s'agit d'un état d'esprit spécifique, avec ses caractéristiques limitées, non seulement il comprend son opposé et s'en nourrit, mais il a toujours tendance à y retomber.

Ces constatations évidentes mais négligées font que l'abandon ne peut pas se cultiver.
Il est inutile d'y penser, de faire des lectures sur ce thème, d'essayer de susciter ce sentiment par la prière, la prosternation, ou de n'importe quelle manière.
L'ennui avec cette expérience si désirée est qu'elle fluctue constamment, et évidemment, elle semble le moins à notre portée lorsque nous en avons le plus besoin.
Nous n'avons aucune prise sur le « lâcher prise ». Qui donc, en effet, peut sentir quoi que ce soit sur commande ? Dans ce cas-ci, nous nous trouvons particulièrement exposés à l'échec et au ridicule.

Cultiver ce qui doit venir naturellement ou pas du tout, se donner du souci pour trouver le calme, s'efforcer de ne pas faire d'efforts, s'obstiner au détachement, s'éreinter pour arriver à être détendu : toutes ces disciplines insolites ne peuvent nous mener à rien. Finalement, nous devons renoncer à toutes ces tentatives de renoncement.

N'y a-t-il donc rien à faire pour résoudre ce problème ? L'envie de lutter contre la Nature des choses alterne en nous avec l'acceptation réelle (ou mitigée) de tout, et même du pire. Cette alternance qui structure nos vies, allons-nous l'accepter ? Ou plus vraisemblablement tenter de la briser ?
Non. La méthode directe qui consiste à maîtriser nos sentiments s'avère infructueuse, mais il existe une « méthode » indirecte bien plus prometteuse. Le problème peut être résolu - pas à son propre niveau ni en ses propres termes - et il peut l'être totalement.

La solution est l'ATTENTION, l'attention au lieu de l'intention. L'attention à ce qui est, et non la recherche de ce qui devrait être.
Attention à ce que les choses sont déjà, en écartant toute tentative pour les transformer.
En fait, l'attention totale est l'abandon, et l'abandon total est l'attention.

Attention à quoi ? Attention à ce qui vous est donné, ici, au lieu précis de votre présence, en ce moment, l'esprit détaché de tout autre lieu et temps.
Et pour découvrir ce qu'est l'attention, il est inutile de vous contenter de lire : vous, cher Lecteur, ce que vous avez à faire, c'est de regarder maintenant ce qui se trouve juste en face de cette page imprimée, de porter votre regard vers Celui qui voit, vers le Lecteur - s'il y en a un.

N'est-ce pas un fait qu'il n'y a ici rien qui ressemble à une chose, seulement un espace rempli de ce qu'il voit (deux mains tenant ce livre, et entourées de formes colorées) ?
Qu'y a-t-il ici où vous êtes maintenant, si ce n'est une Conscience sans tache ou une Capacité, privée en elle-même de tout son, odeur, goût, couleur, forme, opacité, complexité, mouvement - et en cela même parfaitement conçue pour recevoir tous ces éléments ?
Une disponibilité remplie, n'est-ce pas ce que vous êtes en ce moment même, de façon évidente et immédiate ?

Cette vue-vers-l'intérieur, cette attention à ce que l'on est toujours (qu'on s'en rende compte ou non), cette découverte de ce qui est au-delà de tout perfectionnement (car ici il n'y a rien qui change ou qui puisse être changé) - voilà le seul et véritable abandon total.
Il nous fait renoncer à toutes les prérogatives, toutes les qualités et fonctions que nous avions revendiquées jusque-là, il met fin à nos prétentions à être quelque chose, à être quoi que ce soit.

Pas un atome de substance, pas une pointe de sentiment, pas l'ombre d'une pensée ne peuvent survivre dans l'atmosphère raréfiée du Centre.
Ici, il ne reste que l'attention, la vigilance, la pure conscience-de-la-conscience, vide de tout contenu et de toute qualité, et Ceci ne va ni ne vient.
Voici l'abandon même, qui inclut l'abandon de tout temps et de tout changement.

Nul ne peut réaliser cet Abandon : nous le sommes éternellement.

mardi 22 mars 2011

L'eau ne coule pas

Article d'Eric Baret
publié dans le n° 25 de la revue 3eme Millénaire 


Comment le "novice" est-il accueilli dans la Tradition du Cachemire ? Quels sont les premiers pas, l'approche suggérée?
La Tradition Cachemirienne considère que tout être porte en lui la potentialité de la liberté. Elle mettra l'accent sur la liberté fondamentale du questionneur. Le pressentiment de cette liberté a amené la recherche, il ne sera au fond question que de laisser s'actualiser ce qui était là de toute éternité : reconnaissance de sa véritable nature.

"De nouveau il y a réouverture des yeux."
  Sivasutra (45)

"Par l'expression "à nouveau", l'auteur n'entend pas dire que le yogi acquiert de façon nouvelle la divinité mais que celle-ci est sa nature même."
Ksemaraja Sivasutra Vimarsini (45)

Se rendre compte qu'il n'y a rien à faire pour être libre, seulement prendre conscience de ses propres restrictions. C'est la voie négative, très proche du Tchan et du Vedanta. Il n'y a pas pro­gression mais éclaircissement. L'appel se produit à des moments variés de l'existence : certains rencontrent la Tradition très jeunes, d'autres plus tardivement. D'aucuns abordent la démarche avec maturation et ont donc peu à "flirter" avec sa formulation ; pour d'autres, la rencontre avec la bonne nouvelle se fera plus graduellement. En fait, personne n'accueille mais il y a accueil de celui qui croit qu'il y a quelque chose à acquérir. Celui à travers qui la Tradition s'exprime, exposera d'emblée qu'il n'y a rien à faire pour être libre. Souvent celui qui aborde un enseignement, s'en approprie certains éléments, mais très vite il doit s'en sentir libre, comme un parfum qui pointe vers sa propre essence. Rester fixé dans la formulation d'une tradition, si magique soit-elle, pourrait devenir limitation, traditionalisme.

Quelle relation peut s'établir entre l'enseignant et le questionneur qui perçoit occasionnellement que la vie peut avoir un autre sens que l'ordinaire matériel ?

L'enseignant et son élève font un. La question et la réponse ne sont qu'expression de la Conscience. Il n'y a pas de progression de l'une à l'autre. On cite souvent, en Inde, les propos d'Hanunan quant à sa relation avec son maître Rama :
"Du point de vue de mon corps, je suis son serviteur;
du point de vue de mon mental, je suis son disciple ;
du point de vue de ma réalité profonde, je suis Lui."

Traditionnellement s'instaure une totale non-relation, aucun lien personnel, aucun lien affectif, aucune dépendance. Le soi-disant étudiant dont les références "objectives" ont été stimulées toute la vie durant : se prendre pour ceci ou pour cela, se situer dans un devenir, utiliser les artifices de la pensée pour compenser le manque profond, va se trouver dans une situation ou plus précisément une non-situation où rien n'est stimulé. Pour tout ce qu'il voudra prendre, il sentira l'herbe lui être coupée sous le pied. Chaque fois qu'il cherchera à comprendre, la relativité de la compréhension mentale lui sera suggérée. Dans chacune de ses entreprises, il pressentira de plus en plus clairement qu'en aucun cas l'activité ne peut conduire à la non-activité. Tout ce réseau de sécurisation qui l'entourait, va se trouver déstructuré jusqu'au moment où la motivation, l'ardeur de vouloir faire un pas en avant, va complètement se dissoudre : non par volonté, effort, mais comme résultat d'une vision juste. Ce point d'arrêt de toute activité mentale où toutes les énergies habituellement projetées dans un devenir, dans un choix s'apaisent, se rassemblent et sont disponibles, est l'entrée véritable dans la démarche.

"Il abandonne d'abord intégralement le déploiement mondain
caractérisé par ce qu'il faut repousser ou ce qu'il faut accepter
et qui renferme les êtres animés ou inanimés, feuilles, pierres,
herbes etc... déploiement qui s'étend de Siva à la terre...»
Srikanthi

Etre ouvert sans plus "objectiver" une quelconque direction. L'activité mentale apaisée, on est ouvert à l'inconnu. On devient alors réceptif pour un pas en arrière que l'on ne fait pas mais qui se fait en nous.

Pour bien se démarquer du ”Pseudosis magister" qui justifie son autorité par un vouloir pour le bien de son disciple, pouvons-nous préciser que ce n'est pas lui qui "coupera l'herbe sous le pied" ; ainsi qu'aucune modification dans le cours de la vie journalière ne sera nécessaire ?

Effectivement le dialogue entre le questionneur et le questionné mettra l'accent sur la prise de conscience que tout ce qui vient de la pensée ramène à la pensée. La pensée a créé le conflit, et utiliser le connu, la mémoire pour s'en départir générera tôt ou tard un autre conflit.
L'enseignement n'est que suggestion car les évènements de la vie se chargent d'amener ce qui est nécessaire à la compréhension. Si la suggestion s'impose, c'est uniquement pour examiner questionner, non pas pour adopter tel ou tel concept ou attitude propres à la voie progressive. Vouloir arranger, changer la vie ne peut se présenter. La clarification des différents aspects de l'existence s'imposera d'elle même avec l'émergence d'une attention multidimensionnelle, libre de tout but, de tout résultat. Un Upanishad nous transmet l'image de deux oiseaux merveilleux, posés sur un arbre : le Maître et son disciple. Le disciple se réjouit en goûtant les nombreux fruits de la vie ; le Maître assis sur une branche haute, le regarde avec joie, silencieusement.

Même si les êtres humains se différencient les uns des autres, ils rencontrent les mêmes difficultés : l'identification à une fonction, intellectuelle, émotionnelle ou motrice, l'utilisation inadéquate et décalée d'une fonction par rapport la nécessité du moment : émotion alors que la situation nécessite la pensée, pensée ou émotion qui se surimpose mouvement tout en le dépréciant...

Absolument ; on prend en compte les différents antagonismes présents chez l'élève mais c'est uniquement une distanciation naturelle, étoffée par les moments de silence entre le questionneur et le questionné, qui peut permettre leur intégration dans la totalité.

Justement la distanciation...

C'est la maturité qui amène cela, non pas les exercices, les conseils, les efforts. L'acceptation des différentes expressions de la vie — apparente réussite ou échec — sans interprétation ni jugement, amènera tôt ou tard à se poser la véritable question : "Qui suis-je ?"

Tout à fait d'accord, tout a fait clair lorsque l'on est déjà averti...

Qui n'est pas averti, ne rencontre pas la Tradition. L'avoir rencontrée prouve que tout est là, tout est prêt. Sinon s'offrent à nous la réussite, l'argent, le sexe, succès mondains... Celui qui rencontre une tradition non-duelle dispose d'un passé qui lui permet de prétendre à une certaine ouverture. Quand il y a rencontre, c'est l'essentiel, tout est fait. Comment cela va s'actualiser dépend des caractéristiques de chacun. Le problème de temps ne se pose pas. On peut sembler écouter un enseignement pendant trente ans sans qu'il n'y ait jamais réellement rencontre ou au contraire pressentir la Tradition bien avant de connaître celui à travers qui elle va s'exprimer. On ne rencontre pas la Tradition, on la porte en soi depuis longtemps. Il n'y a pas de hasard.

L'abeille et non la mouche apprécie au plus haut degré le parfum de la fleur
Ketaki, de même est exceptionnel celui qui, incité par la grâce du seigneur
s'éprend de l'absolue non-dualité de Bhairava.
Abhinavagupta, Tantra Loka (IV, 276)

Après les entretiens donnés par un ami spirituel ou chaque instant s'étoffe d'une présence en constante expansion, nous avons demandé à une large part de l'assistance ce qu'elle en Tirait. N'est-il pas frappant de constater que d'une part elle perçoit effectivement quelque chose et que d'autre part elle se cantonne dans des explications très floues, comme si la phase de discrimination n'offrait aucun intérêt ? N'est-ce pas l'un des risques de l'approche dite 'directe"?

Dans la voie directe, on ne met pas l'accent sur l'actualisation des choses. Dans certaines écoles de yoga, les gens deviennent beaux, forts, virils, intelligents. Dans d'autres, on peut citer abondamment la Shrutti et la Smirti et répondre à toute question sur le Vedanta.
Le plus souvent, c'est quand le corps vous quitte que l'on peut juger vraiment de la valeur d'un enseignement. Quand on s'est donné intimement au pressentiment de la Vérité sans la manipuler au gré de son désir, sans se l'approprier et que l'on a laissé la vie se prendre en charge, on est prêt pour le "grand oubli". A ce moment-là, laisser le corps vous quitter ne diffère aucunement de son abdication quotidienne de l'état de veille vers l'état de rêve ou de sommeil profond. Tous les éléments manifestés du corps et du mental, toutes nos possibilités par lesquelles nous avons joui de la fantastique opportunité qu'était la vie phénoménale, se résorbent consciemment dans leur origine.
Dans un enseignement dualiste, la disparition du corps sera immédiatement compensée par l'appropriation de certains éléments subtils qui se manifesteront alors ; on restera dans une relation sujet-objet sans possibilité de résorption.

lundi 21 mars 2011

Ce qui est toujours présent

Extrait du livre « Freedom and resolve »
de Gangaji
Traduction : Isabelle Padovani


Dans la culture occidentale, particulièrement en Amérique, nous sommes entrainés à savoir ce qui va se passer et à essayer de le faire devenir ce que nous voulons que ce soit.

C’est pourquoi il y a tant de souffrance ; essayer de forcer la vie à être quelque chose basé sur un concept particulier. Nous cherchons ensuite de l’approbation pour ce concept et combattons toute désapprobation de ce concept. Même si nous sortons victorieux de notre combat, nous restons toujours insatisfaits, frustrés.

« Laisser venir » ne veut pas nécessairement dire rester assis sur son canapé et ne plus jamais bouger. Cela ne veut pas non plus nécessairement dire se lever de son canapé et agir.
C’est plus profond que cela.
Une vie active peut être vécue en tant que vigilance,
et une vie inactive peut être vécue en tant que vigilance.

Il y aura beaucoup de compréhensions.
Il y aura beaucoup de révélations et des expériences approfondissantes.
Au milieu de tout cela, soyez vigilant à ce qui n’a pas changé, 
ce qui a toujours été entier, ce qui a toujours été radiant et inpollué.

Il peut y avoir même des compréhensions encore plus profondes.
Goûtez les telles qu’elles arrivent, 
saluez les comme elles s’en vont, 
et soyez vigilant à ce qui n’a pas changé, 
ce qui n’a pas été perdu par l’expérience de la perte, 
et qui n’a pas été augmenté par l’expérience du gain.

Soyez vigilance.
La plus grande joie de l’expérience humaine est d’être vigilance.
Ce n’est pas une tâche.
C’est la félicité elle-même.
Une félicité qui est consciente et vigilante à ce qui ne change jamais, à ce qui est toujours présent. Soyez cela.
Alors vous verrez cette entité nommée votre vie se déployer de façon exquise, comme une fleur se déploie. Et tandis que cela commencera à mourir, cela mourra de façon exquise, comme meurt une fleur. Vous n’avez pas besoin de le tremper dans la cire pour le figer pour toujours à une certaine étape.
La mort n’est pas l’ennemi.
La peur de la mort est l’ennemi.
La peur de la mort est le résultat de l’identification erronée de vous-même avec une entité particulière.
Votre véritable identification est le ciel d’être

dimanche 20 mars 2011

Un mental apaisé

Extrait de « Le sens des choses »
de Francis Lucille


Il est clair et hors de doute que je ne puis être un objet. 
Néanmoins, je suis souvent visitée par la pensée que cette absence de forme ne saurait êre ce que vous entendez par éveil.
Lorsque vous me dites au cours d'une conversation récente que les limitations sont perçues, je vis immédiatement la vérité de cette affirmation.
Cette pensée récurrente est donc elle aussi une limitation qui disparaît dans la conscience comme tout autre objet.
Mon manque de clarté est-il dû à un reste de dynamisme qui maintient en vie le chercheur ?

Oui, votre croyance que la conscience est sans forme est aussi une limitation surimposée à ce que vous êtes foncièrement.

Lorsque vous essayez de visualiser la félicité, la vérité, vous essayez d'abord de la voir comme un objet, grossier ou subtil, profane ou sacré.

Puis, à un certain moment, ayant compris qu'elle n'est pas un objet, vous essayez de la visualiser comme un non-objet, un vide, et vous arrivez à un mur blanc que vous ne pouvez pas maintenir Certains yogis le peuvent, - du moins pendant un certain temps -  et qui n'est certainement pas la splendeur, la certitude et la félicité que vous recherchiez.

Ce vide est souvent une énigme pour le chercheur de vérité qui ne peut pas aller au-delà par
ses propres efforts.  

L'assistance d'un instructeur est nécessaire dans la plupart des cas pour effectuer cette percée. Cette absence est en fait un autre objet.

Pour aller au-delà, le mental doit comprendre que l'éveil est totalement hors de sa portée.

Une fois cette compréhension établie, le mental s'apaise naturellement,
n'ayant plus de but à poursuivre.
Cette tranquillité spontanée et dénuée d'effort est pure présence accueillante.

Dans cette ouverture réside la possibilité d'être sciemment ce que nous sommes.

samedi 19 mars 2011

L'instructeur

Extrait de « L'obligation de conscience»
de Yvan Amar


L'éveillé se sait acteur d'une utopie : aucune pensée, aucun sentiment, aucune action ne peut enfermer ou exprimer ce sens, mais celui-ci peut, par une coopération intelligente, transformer la pensée, le sentiment et l'action en un témoignage de plus en plus vivant, de plus en plus imprégné de la réalité qui les sous-tend. Avec le temps, un tel éveillé devient docile à cette intention, la divine volonté. C'est par cette docilité, par cette soumission que, peu à peu, l'esprit et le cœur se trouvent transformés, puis le corps.
Au cours de cette transformation - qui peut prendre des années -, une évidence s'installe, à un moment donné : il est temps de transmettre, il est temps d'enseigner.

L'irruption de l'éveil dans la vie d'un homme ne fait pas d'emblée de lui un instructeur ;
cela lui révèle sa nature d'enseignant.
Seul ce qui est vécu jusque dans le corps d'une façon absolue peut être appelé éveil.
Dans l'éveil, il ne peut subsister un seul recoin d'ombre. On ne peut appeler « éveil » ou « illumination » que ce qui éclaire d'une façon absolue le sens et la nature de la vie.
Pour celui en qui cet éveil se produit, tous les aspects de son être sont complètement éclairés par cette illumination : l'esprit, le cœur et le corps.
Dans l'esprit, aucun doute ne subsiste : il y a l'évidence de la réalité.
Dans le cœur, il n'y a plus de place que pour la compassion infinie envers tout ce qui existe, animé ou apparemment inanimé.
Dans le corps, une joie indicible à la place de la peur habituelle, parce que tout sentiment de séparation, même sur le plan physique, a disparu dans cet éveil.
Plus de peur, plus de mort ne restent que l'existence infinie, la conscience infinie, la joie infinie.

Ce qui est reconnu dans cette illumination l'est une fois pour toutes.
Au cœur de cette illumination est reconnue, pour ceux dont la vocation est d'enseigner, une destinée qui se manifestera tôt ou tard, qui est de témoigner, de partager, d'enseigner.

C'est avec le temps que le processus mis en route par l'éveil transforme suffisamment la personne pour en faire un outil digne de cette tâche. C'est pourquoi il est assez rare qu'un éveillé enseigne immédiatement après l'éveil ou que son enseignement soit structuré dès l'éveil. L'essence et les principes sont présents, mais la forme, dans sa vie et dans l'énoncé, demande en général quelques années. Cependant, il est bon aussi de préciser qu'un instructeur peut commencer à enseigner, à témoigner de cette réalité dès qu'il se sent naturellement digne de le faire, même s'il n'est pas encore - et peu s'en faut - ce qu'on appelle dans la tradition un "saint", un réalisé ou un gourou.

Celui que la tradition appelle un réalisé est un être qui est complètement établi dans cet éveil et qui a complètement intégré, sur tous les plans, la nature de cette illumination. I
l est transformé sur le plan de l'esprit, il ne reste plus de doute en lui ; il éprouve une évidence sereine immuable qui ne relève absolument pas de la certitude ou de la conviction intellectuelle à laquelle prétendent ceux qui croient avoir raison.
Sa raison à lui est éclairée par l'évidence de ce qu'il est et reconnaît.
Son cœur, où siègent habituellement les émotions et les sentiments, est également transformé : la colère a été convertie en compassion infinie, en amour envers tous les êtres, de façon spontanée, non réfléchie. Son cœur est le pardon vivant, il n'y a plus place pour l'offensé. Il est le lieu naturel et spontané de la geste infinie de l'amour, dont le sens est toujours de se reconnaître dans le regard de ceux qui s'aiment.
Et enfin, cela est certainement le processus le plus rare qui soit de trouver son corps également transformé, en ce sens où a disparu de ce corps la suprématie régnante de la peur ordinaire, liée au sentiment physique de séparation d'avec ce qui est. Il ne se prend tout simplement plus pour un corps séparé. Il est un, jusque dans les sensations sur le plan physique, matériel, il est un avec tout ce qui est. Son corps est l'univers tout entier. Le sentiment et la sensation de séparation étant abolie, il ne peut plus y avoir en lui d'attachement à un corps existant entre une naissance et une mort. Il n'y a donc plus en lui la peur de la mort. On dit que les atomes de son corps tournent dans un sens différent. Il n'y a que la Vie en lui. Cela se traduit dans son corps par l'expérience constante de la joie cellulaire, quel que soit le vécu sensoriel de plaisir ou de douleur.

Celui en qui le processus transformateur est arrivé à ce stade d'intégration, celui-là seul est digne du titre, ô combien déprécié et galvaudé aujourd'hui, de maître spirituel, de gourou et de saint. Je ne suis pas un tel gourou, ni un tel saint, ni un tel maître spirituel.
Aujourd'hui, des personnes interrogées soulignent souvent qu'elles ne sont pas des gourous, pour se protéger d'une appellation devenue péjorative. Actuellement, c'est presque une insulte de dire de quelqu'un qu'il est un gourou. Très souvent, dans les milieux dits spirituels ou religieux, on trouve des personnes qui se défendent d'être des gourous comme si elles se défendaient d'une accusation, formulée ou non. Ces gens-là sont bien loin de savoir ce qu'est un véritable gourou. Quant à moi, je me défends d'être un gourou à cause du respect infini que je porte à ce titre et à ce qu'il signifie véritablement.
Le mot « gourou » signifie étymologiquement, en sanscrit, « lourd », « qui a du poids ». 
Cela veut dire, dans son sens le plus profond, celui justement dont le corps est le poids de la réalité, celui qui a intégré dans sa chair et son sang la nature de cette réalité vécue dans l'éveil. C'est un titre auquel peu d'êtres peuvent prétendre. J'ai trop de respect pour ce titre et ce qu'il représente pour l'usurper.

On peut être instructeur sans être un saint, sans être un gourou.
On est instructeur par mission, par vocation, par destinée.
À partir du moment où la vie vous sent digne d'accomplir cette tâche, même si vous n'avez pas intégré jusque dans votre corps ce qui a été vécu dans l'éveil - et qui n'a cessé de vous travailler comme un processus vivant depuis ce jour-là -, la vie peut vous signifier, à un moment donné, de témoigner, d'enseigner. Ce que l'on a intégré jusqu'alors est en tout cas largement suffisant pour les personnes qui veulent bien en faire la source d'une nouvelle direction dans leur vie.
C'est également suffisant pour l'instructeur comme rappel de son devoir d'honnêteté, de sincérité, d'impeccabilité.
Je suis un tel instructeur.
Ma vie est celle d'un instructeur, et c'est à ce titre que je témoigne de l'enseignement.

vendredi 18 mars 2011

Le bébé cesse de pleurer

Extrait de « Comme un chant d’oiseau »
de Anthony De Mello



Le Maître un jour se fit demander par son disciple :

«Qu'est-ce que le Bouddha ?»

Il répondit : «Le Bouddha, c'est l'esprit.»

Un autre jour, on lui posa la même question et il répondit :

«Pas d'esprit. Pas de Bouddha».

Le disciple protesta :

«Mais l'autre jour, vous avez dit : "Le Bouddha, c'est l'esprit".»

A quoi le maître rétorqua :

«C'était pour que le bébé cesse de pleurer.

Quand le bébé cesse de pleurer, je dis :

"Pas d'esprit. Pas de Bouddha"».

jeudi 17 mars 2011

Le corps est conscience pure

Extraits de « La Voie directe : s'identifier à la conscience pure»
de Greg Goode
Pages 18 - 23

Les autres sens sont identiques à la vue

Ce qui vaut pour la vue vaut également pour l'ouïe, l'odorat, le goût et le toucher. S'en tenant au témoignage direct de tel ou tel sens, on réalise que l'objet sensoriel ne peut pas être séparé de la modalité sensorielle. Celle-ci ne peut pas être séparée de la conscience témoin. Cette dernière est présente dans toutes les perceptions du soi-disant monde physique, et rien n'est perçu indépendamment ou en dehors de cette conscience pure.

Le sens du toucher semble parfois constituer une exception. Pour ceux qui ont l'impression que le monde physique est la base même de la réalité, rien ne semble plus 'réel' que de se donner un coup de marteau sur le pouce ou de se cogner le genou contre un objet. Pour beaucoup, la douleur paraît plus réelle que la plupart des autres expériences. Mais en y regardant de plus près, on constate que la douleur n'est pas quelque chose que l'on attribue aux objets du monde physique. La douleur est une expérience et nullement la preuve de la réalité d'un objet. Il en va de même pour le reste de notre expérience directe par le sens du toucher.

Si on recommence l'expérience de la tasse en utilisant le sens du toucher, il y aura la même série d'étapes que précédemment. Si vous fermez les yeux et ne pensez qu'à l'expérience directe donnée par le toucher, vous constaterez que ce qui se manifeste est une série de sensations de texture, chaleur ou froid, dureté. Ces sensations apparaissent puis disparaissent.
On peut alors constater ce qui suit :
1) on ne perçoit pas de tasse séparée des sensations. Celles-ci ne communiquent pas un objet indépendant des sensations.
2) De plus, ces sensations ne sont pas séparées de la faculté du toucher. On ne touche pas des sensations préexistantes; le toucher est synonyme de ces sensations.
3) Le toucher n'est pas séparé de la conscience témoin. Le toucher ne se manifeste jamais en l'absence de la conscience témoin.

Le corps est conscience pure

La voie directe est l'une des rares approches non duelles qui étudient le corps directement. Normalement, celui-ci entre dans la catégorie « objet physique », mais il semble être un objet physique très spécial. Contrairement aux autres objets, il semble vous accompagner partout où vous allez. Et si vous le tapotez, avec un crayon ou un stylo par exemple, certaines sensations se manifestent ; des sensations qui ne se manifestent pas quand vous tapotez la tasse ou la table. Et surtout, on dirait que le corps est le conteneur de la conscience, de votre conscience. Votre conscience semble différente de celle des autres. On croit souvent que ce qui semble séparer les consciences ce sont les murs du corps. Votre corps semble contenir votre conscience, et d'autres corps semblent contenir d'autres consciences.

Mais avec l'aide de la raison supérieure, on peut parvenir à reconnaître que le corps est une apparition dans la conscience. Comme tel, il ne peut pas enclore la conscience. Il ne peut pas être autre chose que la conscience. Cela libère et globalise votre compréhension de la conscience, qui va cesser de paraître enfermer dans le corps. Étant la conscience elle-même, le corps est libre et ne semble plus compartimenter la conscience.

Essayons de faire une autre expérience de raison supérieure :

Expérience avec votre bras

Regardons simplement une partie du corps, le bras, et voyons s'il se laisse être perçu en tant que conscience...
Posez votre bras sur la table devant vous. La perception visuelle directe de votre bras est similaire à ce que vous avez perçu avec la tasse. La perception visuelle comporte des couleurs et des formes. Même si le bras bouge, le mouvement est une perception visuelle de changements de forme et de couleur.
Il n'y a pas de perception visuelle d'un bras en dehors de la forme, pas de perception de forme en dehors de la vue, et pas d'expérience de vue en dehors de la conscience pure.

À présent, fermez les yeux afin de vous concentrer sur le toucher.
Si vous touchez votre bras, votre expérience est similaire à ce que vous avez perçu avec la tasse. Bien qu'il semble y avoir deux sources de sensation (la main qui touche et le bras touché), ceci repose sur la supposition que les sources sont des objets physiques extérieurs. Mais ces mêmes sensations pourraient tout aussi bien apparaître dans des rêves.
La notion même de 'source' ou de ‘localisation' est simplement une conclusion intellectuelle survenant après la réalité de votre expérience directe.
L'expérience directe du toucher ne communique pas la source ou la localisation, mais comme la vision, elle possède son propre langage. Le toucher communique les sensations de texture, chaleur, douceur ou dureté, peut-être un chatouillement, une impression agréable ou désagréable.

Gardant les yeux fermés, passez votre bras au-dessus de la table, à environ trente centimètres, puis lentement de gauche à droite; ensuite, reposez-le ; vous éprouverez un type de sensation légèrement différent. On appelle souvent cela kinesthésïe ou somesthésie. C'est l'impression de ce qu'on appelle positionnement ou mouvement. Cette impression apparaît et disparaît, et comme toutes les autres composantes de notre perception directe examinées jusqu'ici, cette impression n'établit jamais un objet indépendant des sensations elles-mêmes.

Les yeux toujours fermés, répétez ce mouvement et examinez les sensations ouvertement et directement, sans histoire, souvenir ou théorie. Après votre expérience directe, essayez de trouver un objet physique existant indépendamment et soumis à ce mouvement. La perception directe ne fournira pas un tel objet. Il vous sera possible de réaliser les mêmes choses choquantes que précédemment, à savoir que l'expérience n'établit aucun objet en dehors des sensations, aucune sensation en dehors du sens du toucher, et aucun sens du toucher en dehors de la conscience témoin. Là encore, c'est la conscience témoin qui est le seul élément constamment présent.

Objection : « Mais c'est impossible ! »

Assez souvent, c'est à peu près à ce moment que le mental intervient et dit :
« Attendez un peu ! »
Bien que l'on ne puisse guère discuter avec l'autorité de l'expérience directe, il peut paraître très bizarre que les objets physiques, y compris le corps, n'existent tout simplement pas indépendamment de la conscience. Il semble que le monde n'a aucun sens s'il n'y a pas d'objets pour créer l'expérience.
Ceci peut être ressenti très fortement et repose sur des siècles de conditionnement
(voir note 1).

Il y a de nombreuses façons de répondre à cette objection, mais il y en a deux qui se rapportent à l'expérience directe donnée par la raison supérieure.
Une réponse possible est celle-ci : même si nous concédons qu'il doit y avoir des objets extérieurs pour servir de cause et d'explication à notre expérience, nous nous retrouvons au même point. Ceci du fait qu'en dépit de notre concession, la seule preuve que nous ayons de ces objets (et de toute chaîne causale produite par eux) revient à cette même perception directe que nous avons déjà exa¬minée dans nos expériences.
La conscience pure est tout de même établie en tant qu'essence de notre perception.
Accorder l'indépendance aux objets verbalement et intellectuellement ne prouve pas davantage leur existence. De toute façon nous nous retrouvons avec le fait que la conscience pure constitue tout ce qui est vraiment établi par l'expérience directe.

L'autre réponse est pragmatique. Le fait que l'expérience directe établit que le monde grossier n'est rien d'autre que la conscience pure ne nous oblige pas à parler un langage spécial.
Nous n'avons pas besoin de parler advaita chez l'épicier.
Il n'y a aucune raison d'abandonner les vocabulaires traditionnels utilisés en science, mécanique, architecture et dans les autres disciplines. Ces domaines de l'activité humaine, pour des raisons pratiques qui leur sont propres, supposent l'existence d'objets indépendants des moyens de mesure.
Supposons que votre profession adopte ce point de vue à dominante physique. Vous pouvez malgré tout l'exercer sans avoir à croire à ce point de vue, sans avoir à le réfuter ou à en débattre avec vos supérieurs !
Vous pouvez le considérer comme une sorte de poésie moderne.
Il peut être utilisé sans qu'on y adhère.
Vous pouvez également considérer que les vocabulaires apparaissent eux aussi dans la conscience pure.  
Vous êtes libre de laisser un vocabulaire se manifester de sa manière naturelle.

1. On a commencé à philosopher sérieusement à ce sujet au 17è siècle avec des philosophes tels que René Descartes et John Locke, ainsi qu'avec des scientifiques qui modelaient la connaissance humaine sur la théorie de F optique formulée par Johannes Kepler. Ces penseurs exercèrent une très grande influence dans la culture occidentale; pour eux, l'individu avait un point interne de sensation enfermé dans un corps. Le rôle de l'humanité était de représenter en pensée un monde extérieur avec exactitude et de le communiquer aux autres. Avant cette époque, on pensait qu'expérience et con-naissance étaient beaucoup plus intégrées et holistes, sans imposer de barrières métaphysiques entre intérieur et extérieur. On trouvera des déconstructions extrêmement lucides de cette conception de spectateur de la connaissance humaine dans Colin M. Turbayne, The Myth of Metaphor (Yale UP, 1962) et Richard Rorty, Philosophy and the Mirror of Nature (Princeton UP, 1979).

mercredi 16 mars 2011

Etre vigilance

Extrait du livre « Freedom and resolve »
de Gangaji
Traduction : Isabelle Padovani


Si la flèche de la vérité vous a transpercé et que vous le savez, si vous avez eu cette expérience, alors vous connaissez aussi les pensées arrogantes qui peuvent survenir : « Et bien, je sais que je suis un avec la vérité, alors qui est là pour rester éveillé ? »
Vous vous êtes probablement dit cela, n’est-ce pas ?
Et tout d’un coup, il y a souffrance à nouveau et on gémit :
« Je l’ai perdu ! Comment ça a pu arriver ? ».  
La perception et l’expérience de perdre ce qui ne peut être perdu est rectifiée par la vigilance.

Je ne parle pas d’effort.
Je ne parle pas d’exercer de la vigilance.
Je parle d’être vigilance et de reconnaître qu’il est naturel d’être cela.
Vous êtes pure conscience.
La conscience est naturellement vigilante.
Elle est vigilante à elle-même, et elle est toujours, en vérité, consciente d’elle-même.

Quand le corps est dans le sommeil profond, et qu’il n’y a pas de points de référence, pas d’impressions venant des sens, pas de perception du corps ou d’aucun objet qu’il soit mental, émotionnel ou physique, demeure toujours une conscience consciente d’elle-même, et ceci est béatitude. C’est la béatitude du sommeil profond.

Quand le corps se réveille et que les objets réapparaissent à votre vue, vous savez toujours qu’il y a eu sommeil profond, expérience sans objet.
Vous n’en avez aucune impression sensorielle, mais vous le connaissez parce que la conscience d’elle-même est toujours présente.
Tandis que les objets apparaissent, notre conditionnement est de nous fixer sur les objets et d’ignorer le profond nourrissement qui est toujours présent.

La vigilance est la conscience de qui ne disparaît pas même quand les objets apparaissent.
Que ces objets soient exquis, horribles, ou quelconque, demeure toujours cette conscience consciente d’elle-même.
Que les objets soient émotionnels, mentaux ou physique, demeure toujours cette conscience consciente d’elle-même.

mardi 15 mars 2011

Le feu de "JE SUIS"

Extrait de « Mal d'ego, bonheur d'être »
de François Malespine


Un jour, j'ai vu à la télévision un aborigène d'Australie faire du feu.
Ces images m'apparurent comme l'illustration de cette absence de lien entre effort et éveil.
Si l'on prend un peu d'herbe sèche, deux morceaux de bois, l'un plat dans lequel un cône a été préalablement creusé, l'autre rond dont un bout a été taillé comme un crayon. Si l'on emboîte la pointe de l'un dans le cône de l'autre et que l'on fait tourner rapidement le premier au moyen d'un archer, la friction produit la chaleur, et tout à coup, une flamme apparaît, l'herbe sèche brûle.
Il n'y a pas de lien de cause à effet entre la flamme et le frottement. Il y a un lien de cause à effet entre la friction et réchauffement et à un moment apparaît la flamme qui est toute autre, qui est d'une autre nature que le mouvement, le bois et l'herbe sèche. L'homme alors cesse tout mouvement et souffle doucement pour faire croître cette flamme naissante. Ce n'est qu'une image, sans doute contestable par la physique, mais qui peut nous mener plus loin : lorsque la flamme apparaît, il y a encore les deux morceaux de bois, et cette petite flamme un enfant peut l'éteindre du pied. La faire croître nécessite le souffle de l'homme, c'est à dire son existence même.

De même, lorsque la conscience impersonnelle se dévoile, il y a encore l'ego, la capacité toute puissante à s'identifier à tout ce qui, en nous, dit : « moi, à moi, c'est moi qui ». Cette capacité à s'identifier est vue et devient le combustible de cette conscience retrouvée. Comme le feu grandit alors même que le bois diminue, la conscience impersonnelle se dévoile avec plus de netteté alors même que la conscience « je suis moi » bien que subsistant, s'efface. La flamme c'est le Je Suis, le bois c'est l'ego, l'herbe sèche c'est la grâce donnée, la possibilité « de s'enflammer » au contact de notre origine. Le souffle c'est la pratique du « je suis » retournant à lui-même. Lorsque la conscience Je Suis aura totalement transfiguré l'ego, elle retournera à l'Absolu, qui dans l'exemple précédent est l'air.
A cet instant le feu — la conscience Je Suis — retourne au non-manifeste — (l'air) — Principe suprême.

Pour continuer notre exemple, l'apparition de la flamme nous fait passer de la croyance « le feu existe », à la vision et au vécu de la flamme. Ce vécu nous met dans la simplicité et la responsabilité d'un chemin à faire, qui apparaît paradoxalement sans progression et sans niveau, car affranchi du temps, de l'espace et de la causalité.
En conclure pour autant qu'une pratique exigeante est superflue est une aberration. En sortant de l'absolu, la conscience « Je Suis » entame le processus d'identification dont l'apogée est la sensation : moi-l'autre, en lequel Elle se perd.

Commence alors l'errance. Lorsque la conscience Je suis se dévoile à nouveau à Elle-même, Elle entame le processus de désidentification, et remonte vers son origine. Elle se perçoit alors comme un pont entre l'absolu et la conscience individuée et identifiée. Ce pont qui a permis l'éloignement, permet le retour et doit être franchi dans les deux sens. En cela se résume la recherche du chemin, le chemin lui-même et sa fin.

Pour que le dévoilement de la conscience impersonnelle nous mette le pied à l’étrier, il faut qu'il serve à la mise en cause de l'identité moi. Comme toute expérience spirituelle, le dévoilement de la conscience impersonnelle Je Suis » peut être récupéré et utilisé par l'ego. Cela revient à verser de l'eau sur le feu. L'homme est alors plongé dans une épaisse fumée et y précipite les autres.

Même en ayant fréquemment accès au vide originel, nous demeurons dans un fonctionnement ordinaire et cela doit être vu et reconnu. Lorsque ce vide est suffisamment installé, une simplicité d'enfant regarde nos différents fonctionnements pour ce qu'ils sont, sans que ce petit éveil soit mis en question, mais sans le prendre non plus pour l'Eveil avec un grand E. Même si nous nous retrouvons englués, perdus dans une souffrance ou une émotion puissante, aucun état n'est perçu comme trouvant sa source dans la situation rencontrée.
Cet aveuglement que nous connaissions autrefois et qui nous condamnait à rendre l'autre responsable, à vomir notre émotion heureuse ou douloureuse sur tout et n'importe quoi, s'éloigne.
La phrase de Swami Prajnanpad : « Pas d'excuse » prend naturellement sa place dans notre cœur. Notre petit moi blessé ou fasciné est immédiatement reconnu et accueilli.

Ici interviennent la pratique et la notion de disciple. Il n'y a pas de chemin sans mise en question de l'ego. Il n'y a pas de mise en question de l'ego par lui-même. Etre sous le projecteur du « Je Suis » est souvent, pour l'ego, amer. En effet, d'une part il est perpétuellement démasqué, de l'autre un cadre est mis à ses manifestations.

L'évangile de Philippe définit parfaitement ce point :
« Les apôtres qui étaient avant nous l'appelaient " Yeshoua de Nazareth, le Messiah ".
En premier « Yeshoua », en dernier « Messiah », au milieu « de Nazareth ». « Messiah » peut avoir deux significations : " Celui qui a reçu l'onction et celui qui se donne des limites ". « Yeshoua » en hébreu signifie " la liberté ", « Nazara » la vérité ".
Ainsi, le Nazaréen est la vérité, celui qui se libère, et celui qui se donne des limites ». (Evangile de Philippe)
Jésus qui se définit lui-même en tant que pur « Je Suis » (avant qu'Abraham fût, Je Suis) est liberté (libre des conditionnements intérieurs), il est de Nazareth, c'est-à-dire en sa vérité, en sa véritable origine, conscient de sa véritable identité, et il est Messiah c'est-à-dire celui qui a reçu l'onction (l'Eveil) et celui qui se donne des limites (qui ne vit plus à l'aulne de l'ego).

C'est la parfaite définition de l'Eveillé avec un grand E. C'est aussi la parfaite définition du disciple spirituel lorsqu'il passe du concept au goût. Le chemin consiste alors pour lui à faire en sorte que ce goût imprègne progressivement ses actes. Ainsi, s'il n'y a pas de relation entre l'effort et l'éveil il n'y a pas d'éveil sans effort. Ce n'est pas l'effort qu'il faut mettre en cause, mais le mental qui fait sien un mouvement de la conscience appelé effort.

L’ego se nourrit de la sensation « c’est moi » et meurt de la simple vision « c’est ».

lundi 14 mars 2011

Libre ou pas ?

Extrait de « Le sens des choses »
de Francis Lucille


Dans quelle mesure sommes-nous libres de déterminer notre vie ?

En tant qu'individu ou en tant que ce que nous sommes profondément ?

En tant qu'individu.

Dans ce cas, nous sommes entièrement conditionnés, donc il n'y a pas de libre arbitre. En apparence, nous exerçons notre libre choix, mais en fait nous ne faisons que réagir comme des automates aux stimuli de notre environnement et de noire mémoire, parcourant sans relâche les mêmes schémas de noire héritage bio-sociologique, aboutissant invariablement aux mêmes réactions, telle une machine automatique dispensant des boissons dans une gare.
En tant qu'individu, notre liberté est illusoire, à l'exception de la liberté qui nous est laissée à chaque instant de ne plus nous prendre pour une entité séparée et de mettre ainsi fin à notre ignorance et à notre misère.
En revanche, au plan de notre être profond, tout émane de notre liberté. Chaque pensée, chaque perception prend naissance parce que nous la voulons. Nous ne pouvons comprendre cela au niveau de la pensée, mais nous pouvons en faire l'expérience. Lorsque nous sommes totalement ouverts à l'inconnu, l'entité personnelle est absente et nous réalisons alors que l'univers sensible et intelligible surgit de cette ouverture dans un présent éternel. Nous voulons, créons et sommes à chaque instant toute chose dans l'unité de la conscience.

Vous parlez d'être totalement ouverts à nos pensées et perceptions. 
Comment pouvons-nous accueillir tout ce qui se présente à nous mal¬gré le rythme effréné de la vie moderne ? Est-ce possible ?

En fait vous n'avez pas le choix car, quoi que vous pensiez, perceviez ou fassiez, vous l'accueillez d'instant en instant. Par exemple, lorsqu'une pensée apparaît, cette apparition est spontanée, n'est-ce pas ?

Je ne vois pas où vous voulez en venir.

Vous n'exercez aucune action sur vous-même afin de faire apparaître cette pensée.
Même si vous exerciez une telle action, cette action elle-même serait une autre pensée spontanée. En fait toutes choses apparaissent d'elles-mêmes dans la conscience qui est toujours dans une ouverture totale.
La conscience ne dit jamais « je veux ceci» ou « je ne veux pas cela».
Elle ne dit rien parce qu'elle accueille en permanence tout ce qui se présente en son champ. Quand vous dites « je veux ceci» ou « je ne veux pas cela», ce n'est pas la conscience qui parle, c'est simplement une pensée surgissant en son sein. Ensuite vous dites « je n'étais pas ouvert», et c'est l'irruption d'une nouvelle pensée.  
L'arrière-plan de toute cette agitation mentale est la conscience toujours ouverte, toujours accueillante.
Du moment que vous êtes vivant, vous êtes ouvert. L'ouverture est votre nature. 
C'est pourquoi il est si agréable de s'y trouver ; on s'y sent chez soi, à l'aise, naturel.
Vous n'avez rien à faire pour vous trouver dans l'ouverture, si ce n'est comprendre qu'elle est votre nature réelle, que vous y êtes déjà.
Dès que vous établissez votre demeure dans la conscience-témoin, l'agitation mondaine n'a plus de prise sur vous. Vous comprenez le processus dans son ensemble et par là même vous y échappez.
Vous faites un saut dans une autre dimension. Familiarisez-vous avec elle. Voyez-en l'impact sur votre psychisme et votre corps.
Peut-être mes paroles vous semblent-elles pour le moment de simples concepts, mais le jour viendra où elles se dissoudront en vous, devenant compréhension vivante.
Alors la question de savoir comment méditer, comment être ouvert, ou comment être heureux ne se posera plus parce que vous êtes déjà méditation, ouverture et bonheur.

Mais nous l'ignorons !

Enquêtez, trouvez par vous-même.
Voyez s'il est vrai que vous êtes conscient en permanence.
Voyez s'il est vrai que ce que vous vous savez être fondamentalement est conscience.
Ne prenez pas mes assertions pour des faits établis.
Mettez-les en question, ainsi que vos propres croyances.
Interrogez aussi la notion d'une conscience limitée et personnelle.
Vivez avec ces questions, et surtout vivez dans l'ouverture silencieuse qui suit le questionnement, dans le « je ne sais pas» créateur.
Dans cette ouverture viennent des réponses qui modifient et purifient peu à peu la question initiale, la rendant de plus en plus subtile jusqu'à ce qu'elle devienne informulable par la pensée. Laissez ce dynamisme résiduel s'épuiser de lui-même dans votre attention bienveillante jusqu'au moment où la réponse ultime jaillit en vous dans toute sa splendeur.